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Découvrir plus de possibilités, de couleurs et de textures dans la musique d'autres artistes - Hania Rani et sa collaboration avec Portico Quartet

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Découvrir plus de possibilités, de couleurs et de textures dans la musique d'autres artistes - Hania Rani et sa collaboration avec Portico Quartet

L’année dernière fut intense pour les artistes polonais. Beaucoup se sont confinés en studio pour y travailler dur. Certains ont tenté des coopérations à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Hania Rani est l’exemple parfait cette dernière catégorie.

Rani, qui avait sorti un nouveau chef-d’œuvre intitulé Home l’année dernière, continue à courir après la nouveauté. Quelques mois seulement après la sortie du disque, elle commençait à présenter d’autres sorties dont l’une était… un remix.

Cette information pourra en surprendre un certain nombre,  car beaucoup d’auditeurs ne connaissent Hania Rani que comme compositrice et pianiste de masterclass. Mais en interview, l’artiste polonaise évoque très souvent sa fascination pour la musique électronique. L’année dernière, elle a ainsi réalisé plusieurs remixes de morceaux enregistrés par des groupes polonais et étrangers. Portico Quartet était l’un d’entre eux.

Ces musiciens de jazz britanniques sont des protégés du label Gondwana Records, au même titre que Rani. Leur coopération n’est en ce sens pas une immense surprise, mais il n’en reste pas moins très rare que des artistes qui ne viennent pas de l’électronique remixent mutuellement leurs chansons.

La conclusion de ce travail tient dans deux morceaux uniques et étonnants, tous deux parvenant à un parfait équilibre entre les racines musicales de leurs auteurs originaux et l’esthétique propre de leurs remixeurs. Dans ces deux morceaux, trois mondes s’affrontent : le jazz britannique, la musique néoclassique jouée au piano et une électro subtile et ambiante.

J’ai voulu demander à Hania comment elle avait travaillé avec le Portico Quartet, et quelles expériences et émotions cette coopération lui avait procurées.

Hubert Grupa : Au cours de l’année écoulée, vous avez travaillé avec plusieurs artistes étrangers, comme le producteur allemand Fejka et le groupe britannique Portico Quartet. Quelle a été la plus grande différence entre ces projets ?

Hania Rani : Ces deux projets ont été pour moi un travail intéressant et très exigeant, pour diverses raisons.

Nous sommes très différents Fejka et moi, tout d’abord par nos goûts musicaux, et donc composer un morceau ensemble a pris de nombreux mois. Nous avons hésité jusqu’à la dernière minute pour le choix de la bonne version.

Le remix réalisé pour Portico a représenté un énorme défi et un honneur pour moi. L’idée de créer des remixes de morceaux qui appartiennent à d’autres est née au printemps de l’année dernière, mais il m’a fallu beaucoup de temps (et de réflexion) avant de me décider sur une chanson en particulier et sur la façon dont je l’aborderais. Personnellement, le remix pour Portico me tient à cœur, et pour des raisons très personnelles : depuis de nombreuses années, je suis une grande admiratrice de ce groupe, et la possibilité de coopérer et de discuter avec des musiciens que j’admire depuis longtemps était moi un rêve, devenu réalité.

 
 
 
 
 
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Comment cette coopération a-t-elle vu le jour ?

L’idée est venue du label Gondwana Records, sous qui sortent mes albums et ceux de Portico. Je n’ai pas été surprise qu’ils aient décidé de concrétiser une telle idée : Gondwana est plus une famille qu’une entreprise. Ici chacun se soutient et se motive mutuellement. Le nombre de musiciens et d’employés est réduit, ce qui aide à maintenir un contact direct et des relations étroites. Néanmoins, je me suis rendu compte que les membres de Portico Quartet forment une équipe très pointilleuse qui analyse en détail les coopérations et les projets potentiels. Pour cette raison, leur envie de travailler avec moi m’a surprise et flattée.

À quoi ressemble cette coopération d’un point de vue technique ?

Chacun de nous a travaillé sur son remix, cela a pris plusieurs mois – en ce qui me concerne avant tout en raison de la difficulté à choisir le bon morceau que j’interpréterais le mieux. Au final, nous nous sommes envoyés des démos complètes et les deux parties étaient très satisfaites.

Le choix de la pochette a suscité beaucoup plus de discussions. Duncan Bellamy, le batteur de Portico, est également un excellent graphiste, responsable de la plupart des pochettes des albums du quartet et d’autres groupes. Nous avions décidé que la pochette devrait également relever de la coopération. Nous avons donc choisi de combiner ma passion pour la photographie analogique avec les impressions graphiques modernes qui sont associées au Portico Quartet. La photo sélectionnée date de 2017, je l’avais prise en Islande avec un appareil photo que j’avais emprunté à l’époque. Je l’aime beaucoup, et savoir qu’une nouvelle vie l’attendait avec la pochette de ce disque m’a fait très plaisir.

Qu’avez-vous appris de cette coopération, que vous aura-t-elle apporté de plus précieux ?

Je dois admettre que l’un des moments les plus intéressants pour moi est toujours dans la découverte des coulisses d’une création. Elles représentent un secret soigneusement caché auquel seuls les compositeurs, le producteur et le réalisateur du son ont accès. Bien sûr, on peut aussi créer un remix à partir du résultat final, mais j’essaie de ne pas m’en contenter à chaque fois que cela est possible. C’est probablement la connaissance la plus précieuse à posséder pour moi, cette possibilité d’écouter et d’observer la façon dont l’équipe pense à sa composition, à sa structure, à son arrangement et finalement à sa production. J’apprécie également le contact direct avec les membres du groupe. J’aime ce contraste entre des gens normaux, ordinaires, et ce qu’ils créent, qui est absolument extraordinaire. Ces gens sont simplement fascinés par la musique et essaient d’y découvrir encore plus de possibilités, de couleurs et de textures.

Que pensez-vous du Portico Quartet ? Qu’est-ce qui vous séduit le plus dans leur travail ?

Le Portico Quartet est l’un de mes groupes préférés depuis des années, une grande source d’inspiration et une autorité dans le domaine de la musique. Il est difficile de ne pas entendre mes références à leur travail, par exemple sur mon dernier album dans Tennen ou Zero Hour. En 2019, j’ai eu l’occasion de participer à plusieurs de leurs concerts et je dois dire que je reviens souvent dans mon travail sur les émotions et les sons que je peux transmettre sur scène. Je les apprécie avant tout pour leur musique, dont je qualifierais le style de moderne, mais proche, gorgée de sentiments. J’ai l’impression que Portico a une grande classe, mais aussi un magnétisme, une énergie captivante – tant dans leurs albums qu’en concert. Ils représentent une source constante d’inspiration et de motivation pour moi.

Qu’est-ce que cette coopération a apporté de plus important aux deux parties ? Est-elle allée au-delà de la rencontre de différentes perspectives musicales et de la présentation d’artistes à un public différent ?

Je pense que le plus intéressant dans de tels projets, et à mon avis dans le travail sur la musique en général, est le processus de recherche de nouvelles solutions, la capacité à dépasser les habitudes et les schémas familiers, à regarder une structure, une narration, une façon de penser différentes. Parfois, c’est aussi l’occasion de mieux connaître ses idoles – d’échanger des observations, des expériences, des commentaires, des astuces. Elle m’a permis d’observer leur façon de travailler, d’être, de penser et de créer.

Cette coopération est-elle destinée à intégrer quelque chose de nouveau, de plus grand, ou restera-t-elle ponctuelle ?

Le projet se termine par une édition vinyle, mais je pense que cette collaboration reposait sur une énergie si puissante et partagée qu’il y aura certainement d’autres choses à l’avenir.