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Exprimez-vous : pourquoi les langues minoritaires brillent dans la musique

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Exprimez-vous : pourquoi les langues minoritaires brillent dans la musique

La dernière tendance sur les réseaux sociaux consiste à partager des mots allemands qui n’existent dans aucune autre langue et expriment des notions d’une précision parfois proche de l’absurde, comme Zweisamkeit (le fait d’être isolés en couple, une situation bien aidée par les restrictions liées à la pandémie) ou encore Vorfreude (le plaisir que l’on prend à la perspective d’un plaisir à venir).

Il y a là quelque chose de profond, qui n’est évidemment pas cantonné à la seule langue allemande. Certains concepts sont liés à certaines sociétés, tout simplement, qu’ils soient drôles et anecdotiques, comme le Pantsdrunk finnois (action de rester seul chez soi en sous-vêtements et de se saouler) ou qu’ils décrivent un fait culturel intraduisible dans une autre langue.

Ainsi par exemple en Irlande, le traditionnel gaëlique a été remplacé par l’anglais et relégué à l’arrière-plan au gré des colonisations. Pourtant il continue à exprimer une culture que l’anglais ne parviendra jamais à saisir totalement.

La star d’Europavox Daithi, qui puise abondamment dans des samples en irlandais pour son travail, explique que 

« cette langue en particulier possède des expressions et des approches émotionnelles incroyables, qui sont pour l’essentiel intraduisibles, ce qui les rend encore plus spéciales. Souvent, une phrase traduite directement en anglais sonnera niais, ou carrément faux, alors qu’elle possèdera en irlandais plusieurs niveaux de compréhension, empilés les uns sur les autres. »

La présentatrice radio et télévision en langue irlandaise et musicienne traditionnelle Nic Amhlaoibh diffuse, dans son émission Malairt Poirt le Muireann, des morceaux de musique venus du monde entier et chantés dans toutes les langues.

« Je crois qu’on peut discerner la manière imaginative et parfois détournée de parler anglais qu’ont les Irlandais, » explique-t-elle, « quand ils tentent d’exprimer une chose pour laquelle il n’existe pas de terme anglais précis. La musique a cette capacité à transformer la manière dont une langue est perçue en un moyen de communication – et de création – vivant, vibrant. »

 « Lorsque je passe à la radio des titres chantés dans une langue minoritaire, je parviens à saisir quelque chose des personnes dont viennent ces langues, de leurs émotions, de leurs expériences. Et quand une langue disparaît, parfois seules les chansons subsistent. »

Bien sûr, l’Europe regorge de ces langues, du créole au cornique. L’Union européenne ne reconnaît que 24 langues « officielles », alors qu’on en compte plus de 200 parlées sur le continent, où se répètent partout de telles histoires similaires.

À propos de ses textes en catalan, le chanteur Vicenc Salvador remarque que

« personne ne demande jamais à ceux qui le font pourquoi ils écrivent en espagnol, ou en anglais. J’écris en catalan car c’est ainsi que j’ai le sentiment d’être réellement moi-même. Je ne pourrai jamais dire t’estimo – je t’aime – avec autant de force et de passion qu’en catalan. »

Les Gallois de Sŵnami, qui ne chantent que dans leur langue natale et ont joué l’an dernier à Eurosonic, demandent « si Sigur Ros chante dans sa propre langue inventée, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire en gallois ? »

Finalement, l’écriture de chansons est souvent une question d’émotions qui, parfois, sont tout simplement mieux exprimées dans une langue moins connue.

Comme le conclut Daithi « je me sens bien plus connecté à mon pays quand je crée en irlandais, l’un des éléments le plus importants de ma musique, ce qui me différencie des autres artistes. »

Après tout, de toutes les choses qui nous unissent en Europe, la capacité à être créatifs d’une manière qui nous est à chacun unique est ce qui rend nos cultures respectives aussi enthousiasmantes et intéressantes. Chaque langue dit, par ses mots et ses traditions, quelque chose qui ne pourra être parfaitement transposé dans une autre culture. Voilà quelque chose que nous devrions tous pouvoir apprécier : la célébration de la beauté qui réside dans ce qui nous rend différents, et dignes d’intérêt.

Le pouvoir des minorités