Chaque 8 mars est célébrée la Journée internationale des droits des femmes. L’occasion de mettre en lumière tous les combats qu’il reste à mener. Et ils sont nombreux : accès à l’éducation, à la santé, droit à disposer de son corps, égalité salariale… Le monde de la culture, et de facto celui de la musique, n’est pas épargné par les discriminations. En effet, le secteur est encore principalement dominé par les hommes, que ce soit sur scène, dans les bureaux des labels ou en régie technique.
Le fait est suffisamment rare pour être souligné : une large majorité de l’équipe d’Europavox.com est constituée de femmes, tout comme une bonne partie de ses journalistes. Et à plus grande échelle, les choses s’améliorent doucement, puisque de plus en plus d’artistes, de professionnelles de la musique ou d’ingénieures du son sont des femmes ou des personnes non binaires. Mais la parité n’est pas encore atteinte. Elles ont besoin de soutien et de visibilité, tandis que les jeunes filles aspirent à avoir davantage de modèles. Nous avons donc demandé à six de nos collaboratrices de nous présenter les artistes qu’elles souhaitaient mettre en avant à l’occasion de cette journée du 8 mars. Découvrez les dix groupes et artistes européennes qui les ont touchées, puisant dans leur féminité pour invoquer force, émotions et incroyables mélodies.
Noémie Lecoq (France)
Marta Del Grandi – Italie [Soutenue par Europavox]
Until We Fossilize est l’album qui l’a fait connaître en 2021. Deux ans plus tard, l’auteure-compositrice-interprète italienne Marta Del Grandi s’est encore un peu plus épanouie avec Selva. Ce superbe album met en avant son goût pour le folk intimiste, les chansons d’amour mélancoliques et sensuelles, le jazz élégant et l’électro-pop délicate. Marta Del Grandi y parvient à transformer sa vulnérabilité en force et en beauté : une véritable masterclass
Fever Ray – Suède
Après avoir fondé le duo The Knife avec son frère, la compositrice et productrice suédoise Karin Dreijer est en quête d’auto-réinvention et explore sans cesse de nouvelles voies sous le nom de Fever Ray. Elle est l’une des plus fascinantes et emblématiques figures de la scène électronique contemporaine. Une voix unique et en constante évolution.
Susanna La Polla De Giovanni (Italie)
FO-SHO – Ukraine [Soutenue par Europavox]
J’ai eu la chance de voir les deux sœurs de FO-SHO au festival Europavox de Clermont-Ferrand en 2022, et leur prestation était impeccable. Elles m’ont vraiment impressionnée par leurs rimes incisives, leurs voix fluides et leur attitude féroce. De plus, ces talentueuses jeunes femmes d’origine ukrainienne et éthiopienne, aujourd’hui réfugiées à Stuttgart, ont écrit un morceau pour sensibiliser à la guerre qui sévit dans leur pays (« U Cry Now ») et ont participé à We Were Here, la série de documentaires du HCR (l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés).
Mélanie De Biasio – Belgique/Italie
Parmi les artistes italiennes, la chanteuse et compositrice italo-belge Mélanie De Biasio est pour moi une véritable source d’inspiration. Son plus récent album, Il Viaggio, un voyage mystique écrit, enregistré et produit entre l’Italie, la Belgique et les États-Unis, est de la poésie à l’état pur.
Maro Angelopoulou (Grèce)
Someone Who Isn’t Me – Grèce [Soutenues par Europavox]
Someone Who Isn’t Me est un groupe féministe et queer d’Athènes. Leur musique baigne dans la darkwave des années 80, les sons électro-pop pétillants et les thèmes de l’identité et de la libération. Des pamphlets anti-autoritaires (« Graveyards ») et des récits urbains (« Summer In Athens ») se mêlent à des histoires romantiques contre la masculinité toxique (« Gomenaki »), aux côtés des thèmes principaux du groupe, à savoir la célébration de la féminité (« Pinku »), encourageant les femmes à atteindre leur plein potentiel intellectuel et spirituel. L’amour – comme source de plaisir et comme triomphe du cœur sur la noirceur humaine – s’imposant toujours dans leurs chansons. « A Girl Like This », une aventure musicale sensuelle racontant une histoire d’amour entre femmes, est le premier single de leur deuxième album à venir, Heartbreaker.
Rea Hadžiosmanović (Croatie)
Jorja Smith – UK [Soutenue par Europavox]
Pour bon nombre d’entre nous, l’époque où l’on s’endormait au son d’une berceuse est révolue depuis longtemps. Toutefois, si un adulte avait besoin d’une voix apaisante pour l’aider à tomber dans les bras de Morphée, je me fierais sans hésiter à Jorja Smith. Cette extraordinaire chanteuse et compositrice anglaise navigue avec assurance entre les genres jazz, soul, R&B, UK garage et grime, comme en témoignent ses deux albums studio, Lost & Found (2018) et Falling or Flying, sorti l’année dernière. Mélangeant la vulnérabilité d’une Amy Winehouse et la douceur de Sade, Jorja Smith possède toutes les qualités pour devenir l’une des chanteuses les plus mémorables des îles britanniques.
SUN U – Croatie
Un vrai couteau suisse ! Sanja Šiljković, alias SUN U, est une musicienne et artiste visuelle évoluant sur la scène croate depuis plus de dix ans. Avec deux albums à son actif et un troisième actuellement en préparation, Sanja prend le contrôle de l’ensemble de son processus créatif, de l’écriture à l’interprétation et l’enregistrement de plusieurs instruments, en passant par le chant, l’arrangement, la production, le mixage et le mastering de ses morceaux. Inspirées par la musique électronique, la pop et le trip-hop britanniques et scandinaves, ses chansons rappellent Röyksopp, Everything But The Girl ou Disclosure. Mais ce n’est pas tout ! SUN U est également une graphiste reconnue : tous les aspects visuels de son travail ainsi que ses performances live sont de véritables œuvres d’art.
Eliza Nita (Roumanie)
ZIMBRU – Roumanie [Soutenu·es par Europavox]
Le groupe roumain ZIMBRU est capable, à travers sa musique, d’invoquer des scènes d’une beauté spectrale. Mais sans jamais cesser de chercher les signes qui, çà et là, pourraient indiquer que ce monde dans lequel iels ne se retrouvent pas serait en train de changer. ZIMBRU ne se demande pas s’il faut prendre position sur ce qui tourmente la société roumaine actuellement : iels n’ont pas peur des conséquences que pourraient avoir leurs prises de parole. La possibilité que leurs fans n’achètent plus de billets pour leurs concerts à cause de leurs engagements ne les empêche pas de dormir. S’exprimer sur des sujets importants (égalité de genres, identité queer, changement climatique…etc.) n’est pas non plus un stratagème marketing ; prêter leurs voix à certaines causes découle de convictions sincères, et non du désir de conquérir de nouveaux auditeurs. Alors que l’extrême droite occidentale pleure la mort de l’art non-politisé (à supposer qu’une telle chose n’ait jamais existé), la musique de ZIMBRU montre que l’activisme n’implique pas forcément de sacrifice. Il y a des synthés et des percussions au bout du tunnel.
Clémence Meunier (France)
Lucy Kruger & The Lost Boys – Allemagne [Soutenue par Europavox]
Certainement l’un de mes plus beaux moments de 2023. Entourée de mes collègues d’Europavox et de l’équipe d’INmusic (nos partenaires croates), j’ai eu la chance d’assister au concert de Lucy Kruger & The Lost Boys au Club Mochvara!, un lieu cool et alternatif de Zagreb. Lors de cette seconde soirée de l’Europavox Festival Zagreb, tous les groupes, orientés rock et pop, étaient excellents. Mais il s’est passé quelque chose avec Lucy Kruger. Dès le premier son de guitare, dès la première note de violoncelle, la chanteuse originaire d’Afrique du Sud et basée à Berlin a regardé droit dans les yeux – et dans l’âme – du public médusé. Elle a crié, elle a hurlé, elle a déstabilisé, elle a remué quelque chose, là, tout au fond. C’est du rock, du stoner, de la musique trippante, avec des influences à la Nick Cave et des paroles puissantes sur la féminité. Mais surtout, c’est une avalanche de sentiments, une dose de rage, de force et d’inconfort. J’ai été tellement bouleversée que, yep, j’en ai pleuré. Non pas de tristesse, mais parce que mon esprit se sentait trop petit pour accueillir tant d’émotions. La marque d’une grande artiste.
Zaho de Sagazan – France [Soutenue par Europavox]
Une poignée de titres a suffi à la faire entrer dans toutes les conversations des mélomanes français. A tel point que Zaho de Sagazan est déjà un phénomène national lorsqu’elle sort son premier album La Symphonie des éclairs en mars 2023. La raison est évidente : sa musique, un mélange de chanson française et de productions électroniques, ainsi que ses textes touchants et matures délivrés avec une diction immaculée, peuvent être énergisants, émouvants, et même les deux à la fois. Une force, un charisme et un talent qui, sur scène comme en studio, sont prêts à conquérir les cœurs du monde entier : son écriture est remarquable, mais nul besoin de parler français pour être impressionné par ses prestations.
