Musique & écologie, épisode 5 - Au diapason avec la planète : comment l’écologie inspire les musicien·ne·s européen·ne·s
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Par son caractère universel, la musique a le pouvoir exceptionnel de véhiculer des émotions, de raconter des histoires et d’inspirer le changement. Ces dernières années et à travers le monde, la crise environnementale a soulevé de plus en plus d’inquiétudes. Les musicien·ne·s partagent évidemment ces préoccupations, et certain·ne·s y puisent de l’inspiration ou utilisent leur art pour sensibiliser leur public à l’écologie.
Pour conclure la série d’Europavox sur la musique et le développement durable, cet article explore plus en profondeur comment cette notion de durabilité est devenue une source d’inspiration pour la musique européenne. Il jette un coup de projecteur sur les artistes européen·ne·s qui exploitent leurs talents créatifs et leur influence pour sensibiliser le public et inciter à l’action collective. Après avoir étudié les effets désastreux de la musique sur le climat, ainsi que les solutions potentielles à envisager dans des domaines tels que l’impression de vinyles, les tournées, le streaming et la situation particulière des DJ, nous nous penchons sur le pouvoir de transformation de la musique elle-même.
1. Björk – Islande
L’auteure-compositrice-interprète islandaise Björk est depuis longtemps une figure emblématique de la musique et de l’activisme environnemental. Son album Biophilia, sorti en 2011, illustre sa démarche innovante pour répondre aux préoccupations environnementales à travers sa musique. Plus qu’un simple disque, Biophilia est une expérience multimédia. Chaque chanson de l’album est accompagnée d’une appli permettant aux auditeurs de s’immerger plus profondément dans la musique, tissant un lien entre musique, nature et technologie. L’œuvre de Björk nous invite à nous interroger sur l’interdépendance complexe qui unit tous les êtres vivants et sur l’importance capitale de protéger notre planète.
2. Radiohead – Royaume-Uni
Radiohead est l’un des groupes de rock les plus influents du 21e siècle. Le groupe a porté un intérêt particulier aux questions environnementales tout au long de sa carrière. Il s’est servi de sa musique comme d’une plateforme pour sensibiliser l’opinion publique. Dans leur chanson « Idioteque », tirée de l’album Kid A (2000), Radiohead entonne de manière angoissante « Ice age coming, ice age coming » (« l’ère glaciaire approche, l’ère glaciaire approche »), prophétisant l’imminence d’une crise climatique. Au-delà de ses paroles, le groupe a pris des mesures concrètes pour réduire son empreinte carbone lors de ses tournées et a soutenu diverses initiatives environnementales, donnant ainsi l’exemple à ses fans.
3. Stromae – Belgique
Célèbre pour sa musique pop et électronique entraînante, le chanteur belge Stromae a lui aussi su tirer avantage de sa notoriété pour lutter contre le changement climatique et s’attaquer aux problèmes environnementaux. Sa chanson « humain à l’eau » offre par exemple une réflexion profonde sur la crise climatique et les impacts durables du colonialisme. Le morceau souligne les disparités entre le Nord, composé d’anciennes nations colonisatrices, et le Sud, des régions anciennement colonisées. Elle démontre que le soi-disant progrès du Nord est à l’origine de l’élévation du niveau des mers et d’autres problèmes liés au climat. Stromae pointe du doigt les inégalités systémiques enracinées dans les relations coloniales historiques : « Moi parler des glaciers, Si coulés moi fâché, Je saurai où te chercher, Quand comme moi tu seras perché ». Il attire l’attention sur les effets durables du néocolonialisme et sur la nécessité urgente de relever les défis liés au climat en adoptant une perspective mondiale et en tenant compte des injustices historiques.
4. AURORA – Norvège
La chanteuse norvégienne Aurora Aksnes, mieux connue sous le nom d’AURORA, infuse sa musique de thématiques environnementales et d’un sentiment d’émerveillement face à la nature. Elle met également l’accent sur l’urgence de préserver l’environnement, par exemple dans sa chanson « Apple Tree », qui date de 2019. Ce titre rappelle que tous les êtres vivants sont interconnectés et qu’il est de notre responsabilité de protéger la planète pour les générations futures.
Pourquoi Aurora se préoccupe-t-elle tant de l’environnement ? « Il est logique de s’en soucier et d’en parler lorsque la planète est en train de mourir sous nos yeux […]. Les forêts sont en train d’être détruites et nous avons fait disparaître des espèces animales qui existaient depuis des millions d’années. C’est un véritable mépris de la nature et du monde. […] On a l’impression que tout brûle autour de nous », explique-t-elle.
Aurora ne se contente pas d’écrire à propos de l’environnement. Elle est activement impliquée dans des organisations militantes, utilisant sa musique pour attirer l’attention sur des problèmes cruciaux tels que la déforestation.
5. Woodkid – France
Le musicien et réalisateur français Woodkid a la réputation de produire une musique cinématique. Il s’est toujours intéressé au changement climatique à travers sa musique. Le morceau « Minus Sixty-One », extrait de son album S16 paru en 2020, en est un bon exemple, une puissante composition atmosphérique en collaboration avec le chœur d’enfants japonais Suginami Junior Chorus, qui transmet avec brio le sentiment d’une crise environnementale imminente. Les tonalités sombres et évocatrices de la chanson créent un paysage sonore inquiétant, reflétant les réalités effrayantes du changement climatique : « Minus sixty-one, Now the water level rises high, In my cold paradise, Where men sit in circles and talk numbers », (« Moins soixante et un, Maintenant le niveau de l’eau grimpe vite, Dans mon paradis froid, Où les hommes s’assoient en cercle et parlent de chiffres »).
6. The 1975 – Royaume-Uni
Le groupe britannique The 1975, emmené par son leader Matty Healy, a fait de l’activisme climatique un thème central de sa musique et de ses messages. Leur album Notes On A Conditional Form (2020). On y trouve le titre « The 1975 », célèbre pour la participation de l’activiste climatique Greta Thunberg, et « People », qui traite du changement climatique, de l’anxiété et de l’état du monde. « Wake up, wake up, wake up, It’s Monday morning and we’ve only got a thousand of them left » (« Réveillez-vous, réveillez-vous, réveillez-vous, c’est lundi matin et il ne nous en reste qu’un millier ») sont les premières paroles de la chanson « People », qui exhortent les auditeurs à l’action alors que le temps est compté avant que la crise climatique ne dégénère en catastrophe.
L’engagement du groupe en faveur du développement durable dépasse ses textes. Ils ont adopté des pratiques respectueuses de l’environnement pour leur merchandising et leurs tournées, donnant ainsi un bon exemple pour leurs fans. Cette fusion entre musique et militantisme sert de cri de ralliement face aux crises environnementales.
7. Waterflower – Lettonie
Le projet Waterflower de Sabīne Moore, artiste éco-futuriste polyvalente originaire de Riga, en Lettonie, offre une approche originale de la musique. Elle expérimente en se servant d’instruments non conventionnels tels que des plantes et des champignons, repoussant ainsi les limites de la musique électronique vers des territoires encore inconnus.
Dans son dernier album, All Art Is Ecological, le paysage sonore est constitué de synthétiseurs étonnants, de drones insaisissables et de boucles, s’inspirant de Björk ou Julianna Barwick. Waterflower nous pousse à réévaluer le rôle de l’art dans notre avenir écologique, un véritable plaidoyer appelant à l’action. Avec ce mélange de musique et d’activisme, elle nous invite à nous interroger sur notre connexion à la nature et met l’accent sur le besoin de protéger la planète pour les futures générations. Comme le souligne la musicienne dans une interview : « L’objectif principal de l’album était de sensibiliser à la crise écologique et d’inciter les auditeurs à réfléchir de manière critique à leur relation avec l’environnement. Je tenais à transmettre le sentiment d’urgence et à encourager les gens à œuvrer pour un avenir durable. »