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Poptimisme!

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Poptimisme!

Ainsi parle le pessimiste : “Nous avons touché le fond, c’est atroce. Les choses ne peuvent pas aller plus mal.” Ainsi répond l’optimiste : “Mais si, mais si !” On ne leur adressera pas la parole en 2021, tant la croyance bigote à un monde forcément meilleur comme la certitude de la fin de tout ont rendu 2020 un peu plus pénible, année abandonnée aux charlatans, aux certitudes, aux Nostradamus myopes comme des taupes.

Dans certains bâtiments, dans certains avions civils, il n’existe pas de treizième étage, pas de rangée 13. Ici et là, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer la suppression de 2020 du calendrier : année blanche, année noire. 2020 n’aurait ainsi pas existé. Ce fût au contraire l’une de ces rares années dans une vie humaine où l’histoire accélère de manière vertigineuse, grille les lentes étapes prévues pour remodeler l’humanité, secouer les paradigmes. Black Lives Matter, Coronavirus, Brexit, élections américaines, dérèglement climatique, mobilisations citoyennes… En direct, sans visibilité à moyen et long terme, nous avons tous vécu une expérience, pour ne pas dire une expérimentation de laboratoire. “Ici et là, j’entends que nous avons beaucoup appris de cette pandémie, écrivait récemment la commentatrice anglaise Caitlin Moran. Comme si, à l’époque, on s’était réjouit des leçons apportées par la peste noire !”

Comme le prouvait, avant l’été, la version virtuelle du festival Europavox, cette intrusion du malheur et de l’incertitude dans nos cocons nous a pourtant pas mal enseignés : dans les sciences, en termes de technologie et de médecine précipitée. Dans la société, en terme de solidarités neuves, de mauvaises habitudes corrigées. Dans la musique enfin en termes d’économie, de praxis, d’utilisations imaginative des outils de production ou de diffusions jusqu’ici négligés. Quoi qu’il arrive, les festivals prendront sans doute désormais en compte la remise en question et la quête de possibilités testées par des événements comme Europavox en situation de crise. Ils seront à leur tour obligés de se servir des nouveaux outils pour relier musiciens et publics. Ils devront dénicher des manières encore plus pertinentes et efficaces de mélanger le virtuel et l’humain, le digital et le physique.

Il n’y aura bien sûr jamais mieux que ces festivals à l’ancienne afin de découvrir des musiciens, vivre une expérience collective, transformer les communautés virtuelles des réseaux sociaux en foule qui s’étreint, trépigne, danse et existe ensemble. Les têtes ont suffisamment travaillé en 2020 : c’est aux corps désormais de vivre la musique. J’espère seulement qu’après avoir regardé, pendant une année cruelle, les lives uniquement sur l’écran d’un ordinateur ou d’un téléphone, les publics cesseront de brandir leur smartphone dans les festivals, les salles de concerts. Un concert ne mesure pas 12cm par 7cm. Nous aurons bientôt la chance de (re)vivre des sensations, des rencontres, des extases que seuls les concerts peuvent offrir. Ils sont dans les starting-blocks pour 2021 et intégreront des offres neuves, interactives. Profitons pleinement de ce cadeau inouï que nous avons pris pour argent comptant. De la musique live, nous allons jouir sans entrave, comme disait un slogan de Mai 68. Nous allons faire mentir ce Préfet imparfait qui se réjouissait que “la bamboche, c’est terminé”. Elle est juste en hibernation. C’est l’optimiste qui vous le dit.